Thursday, April 14, 2011



Un autre hommage à Monsieur Nathaniel Dwayne Hale, avant de publier une partie de l'interview de Mr Labarthe...de la West Coast au Sud sale, attachez vos ceintures!!!

1/ Définition du "Dirty South" pour les novices? C'est un son particulier, une époque, une zone géographique?

Le Dirty South (ou The States of Dixie) est l'ensemble des États qui figurent en dessous de la ligne Mason-Dixon, une frontière symbolique séparant le Nord et le Sud qui a été établie au 18 ème siècle. Les États concernés sont: Floride, Géorgie, Louisiane, Texas, Caroline du Nord et du Sud, Tennessee, Oklahoma, Virginie, Alabama, ainsi que le Mississippi.
Par définition le Dirty South est devenu ce son spécifique dont est doté le rap sudiste, mais c'est avant toute chose une énergie, une culture, un style de vie - dixit les Dirty County Boyz :« Dirty, it's just a vision of the South... Envision red hot clay dirt, chicken coops, slow living, good people and family [in others words, cold-hearted slum life] and that's Dirty. Our music brings that kind of energie. »

2/ Pourquoi selon vous ( les auteurs du livre) le Sud a été méprisé, sous-estimé ( hormis Geto Boys, Da Brat, Jermaine Dupri, le Sud était peu médiatisé avant l'émergence de Master P et Outkast)?

Le rap est la seule et unique musique populaire qui n'est pas née dans le Sud. Le rap vient du Bronx (New York). Pendant longtemps le Nord a canalisé toutes les énergies, toutes les attentions en ce qui concerne le marketing hip hop. De plus, les rappeurs et producteurs du Sud ont été contraint d'imiter leurs homologues nordistes avant de trouver leurs propres styles, puis il a fallu s'organiser en tant que buziness du disque avec tout ce que ça comporte de tâtonnements, de prises de risques, d'échecs. Ils ont débuté avec un retard considérable sur le Nord qui soit dit en passant a longtemps affiché une certaine condescendance envers les « pedsouilles » sudistes. De ce fait ils ont mis beaucoup temps pour exister, artistiquement parlant.

3/ Comment l'idée du bouquin vous est-elle venue?

Je voulais écrire une suite à mon premier livre « Un Siècle de Musique à la Nouvelle-Orléans », mais je voulais faire un truc beaucoup plus consistant concernant uniquement le Dirty South dont je suis un fan absolu. J'ai commencé seul puis, vu l'ampleur et la complexité de la tâche, au bout de 6 mois de travail j'ai décidé de contacter Charlie Braxton., je lisais ses articles & interviews depuis des années (Murderdog, The Source, XXL). Vu que je ne trouvais que des liens éventés le concernant, j'ai donc contacté Black Cat Bone de Murderdog qui m'a mis en contact avec lui. J'ai expliqué à Charlie ce que je voulais accomplir et on s'est aussitôt mis au travail. Sans son concours je pense que je n'aurai pas été au bout de ce projet.

4/ On ne parle pas beaucoup des liens entre West Coast et (Dirty) South, mais The
DOC ( ghostwriter et "6eme homme" de NWA) vient du Texas, Master P a habité dans la Bay Area, Too Short a séjourné à Atlanta, est-ce que le livre aborde ce sujet?

Le livre aborde épisodiquement ce sujet. On parle de certains cas particuliers comme Master P, Fiend ou Big Hollis (architecte du son de Sacramento – Brotha Lynch Hung) qui ont tous tenté l'aventure sur la West Coast avec des fortunes diverses, mais on cite aussi les échanges migratoires entre la Louisiane et le Texas (ex: DJ Screw, Convicts, ESG, sont louisianais et ont émigré au Texas, alors que les texans DJ Mike, MC Thick et E. Vicious ont fait les beaux jours du hip hop de la Nouvelle-Orléans)
En émigrant à Atlanta en 1994, Too Short avait peut être pressenti que quelque chose d'important se passait dans le Sud? Il est dit qu'il a émigré pour échapper aux tensions qu'il y avait chez lui à Oakland. On peut dire que l'actuelle scène d'Atlanta est l'exemple type de ces migrations qu'ont généré le rap. Devenu le nouveau centre névralgique du hip hop, il existe un afflux important des artistes en provenance des États limitrophes venus parachever leur réussite ou bien tenter leurs chances sur place (Drumma Boy et J-Green sont de Memphis, Lex Luger est virginien, Big KRIT vient du Mississippi, P Watts de Columbia (Caroline de Sud) etc....)

5/ Il y a une influence East Coast (évidente) sur le rap français, une petite influence West aussi ( ne serait-ce que via Réciprok pour le grand public), mais quid de l'influence sudiste à part l'escouade DGC records et quelques titres de Dabaaz?

Je ne connais pas les rapports entre le rap français et le Dirty South. Un réel engouement existe pourtant, sans savoir si c'est une tendance ou une culture qui va s'inscrire durablement dans le temps. De nombreux blogs frenchies existent et parlent plutôt bien de la chose: L'officiel Abcdr du son est indispensable, car il aborde tous les styles sans distinction. D'autres, plus obscurs comme Pure Baking Soda de Nicolas Pellion abordent avec conviction et passion le new age Dirty South.
En ce qui concerne les rappeurs français concernés, LMC Click, Frencizzle, Rma2n, me semblent beaucoup plus sérieux que Tyrone Carter qui est un ersatz bien falot qui ne fait qu'amasser les gimmicks du genre Dirty. Il y a aussi le toulousain NYNE qui est dans le new orleans bounce et qui va sortir son album « Bonificateur » avec Juvenile, T-Bo, Fiend et C-Murder en featurings. Tous ces jeunes artistes « Dirty » me semblent cependant très esseulés, or c'est la solidarité qui a fait que le rap sudiste US est parvenu à émerger.
Je maitrise moins bien que toi la spécificité hip hop française. J'ai peur de ne pas être objectif, cependant je ressens le manque de leaders. L'Amérique possède ses martyres - Soulja Slim, 2Pac, Biggie - ici, il y a Booba, mais Booba est bel et bien vivant, de plus il a déserté et vend un son typiquement américain. Trop d'artistes intègres sont dans l'underground et y restent, c'est invraisemblable qu'en 2011 aucune plage horaire ne leur soit accordé à la TV. En fait, j'ai peur d'être défaitiste mais qu'est-ce qu'entrevoit le public lambda français du hip hop hexagonal? Abd Al Malik? La Fouine? Grand Corps Malade?

6/ Hormis Mia X peut-être, quelle alternative à Trina, Khia, Gangsta Boo pour le rap féminin du Sud ( si on met Da Brat de côté)?

Dans notre livre il y a une interview de Mia X qui raconte ses années No' Limit. Elle parle de la difficulté d'être une femme dans cet univers masculin, ce milieu plein de testostérones (sic). Avant d'être un élément important du label de Master P, un de ses premiers titres de Mia X ,« The Payback », était déjà une réponse sans équivoque à la misogynie véhiculée par la scène bounce du début des années 90 à la Nouvelle-Orléans.
Mia X est récemment rentrée à la Nouvelle-Orléans et a ouvert un club. Je ne sais pas si elle compte enregistrer à nouveau. Gangsta Boo est toujours dans le coup, elle sort régulièrement des mixtapes. Année après année, Trina est nominée aux BET Awards et surnage grâce à sa versatilité artistique.

A suivre...dans The Re(a)d Zone